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La musique figure au rang des  modes d’expression de la communauté noire que les blancs ont essayé de contrôler depuis l’importation des premiers esclaves, craignant qu’elle ne les incite à la révolte. Les esclaves se sont ainsi vu interdire toute pratique instrumentale. L’objectif était clair il s’agissait d’arriver à une véritable acculturation que de la communauté.

Ce procédé avait très peu de chances de fonctionner avec le flot continu de la traite jusqu’en 1859 qui leur permit de garder une forme de contact culturel avec leur continent d’origine et de maintenir une mémoire qui passe, bien entendu, par la musique.
Seules les worksongs, en ce qu’elles favorisent la rentabilité des travailleurs, étaient autorisées. Elles ne doivent alors ni être ni mélancoliques, ni nostalgiques. on le comprend aisément, la musique est l’un des nombreux terrains sur lequel se joue la domination d’une communauté sur une autre.
C’est milieu voire fin des années 1950 pour qu’émerge La musique soul, ou simplement soul, qui est dérivée, entre autres, du gospel et du rhythm and blues. Elle est considérée par certains comme un retour du ”rhythm and blues” aux racines dont il est issu : le gospel (musique d’église).
Par la tournure que prennent les événements dans le pays, le mouvement noir ne va pas tarder à changer d’orientation, et le pacifisme teinté de religiosité de Martin Luther King sera supplanté par le marxisme des Black Panthers. Au discours optimiste de la première partie des années 1960 – le mouvement pour les droits civiques est porteur d’espoir – succède l’impatience d’une communauté qui ne supporte plus d’attendre l’égalité des droits. L’assassinat de Malcom X, le 21 février 1965, ne fera qu’accentuer ce sentiment. Les partis qui apparaissent alors sont beaucoup plus radicaux : le Black Panther Party for Self-Defense, le Revolutionary Action Movement, qui prônent tous deux l’action directe, et tournent le dos à l’intégrationnisme militant du pasteur King.
C’est donc en toute logique que la transmission des messages par le procédé de la double ententene peut satisfaire le public comme les artistes. Tout comme l’afro-américain ne supporte plus sa non-existence en tant que citoyen, il ne souffre plus la clandestinité de son message. Bien plus, le mode d’action de la communauté noire est remis en question dans certaines chansons : Nina Simone prophétisera « Do things gradually, and bring more tragedy » (Agissez graduellement et vous provoquerez d’autres tragédies) dans Mississippi Gottham (1964). Le mode de communication issu de la pratique religieuse est remplacé par un discours à caractère politique. Ainsi Curtis Mayfield, après avoir chanté au sein des Impressions des titres dans la droite ligne du gospel, écrira des textes de plus en plus explicites : We’re A Winner (Nous sommes des battants, 1967), We’re Rolling On (Nous continuons de progresser, 1968), Move On Up(Continue de t’élever, 1968), People Get Up (Peuple, lève-toi, 1969).
 
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Le chanteur de soul prend alors une autre importance, il prend alors valeur d’exemple aux yeux de ses congénères. À tel point que c’est à James Brown que les maires de Boston et Washington font appel pour tenter de calmer les émeutes qui suivirent l’assassinat de Martin Luther King en avril 1968.  L’artiste ne se contente pas d’interpeller son public par des propos introducteurs, ses paroles n’ont pas seulement valeur d’exemple, elles sont également des messages directs d’un noir à un autre noir :

Get Up, Get Involved, Get Into It (Lève-toi, implique-toi, entre dans (le mouvement), James Brown, 1968) , Move On Up (The Impressions, 1968), Say It Loud, I’m Black And I’m Proud (J. Brown, 1968), Stand ! (Résiste !, Sly Stone, 1969).

De même, l’ambigüité quant à la personne – singulier ou pluriel – dans l’utilisation de l’impératif contribue à la création d’un esprit communautaire.

Mais surtout, la soul utilise la première personne du pluriel, mettant ainsi en avant l’idée de communauté :

We Are Rolling On (1968), 
We’re A Winner (1967), 
We got talent we can use (Nous avons des talents que nous pouvons utiliser, I Don’t Want Nobody To Give Me Nothing, J. Brown, 1969).

la music soul touche un public extrêmement important, tant par le canal des radios que par les performances scéniques, et c’est cette diffusion de masse qui donne son poids au message qu’elle véhicule. Si les textes de soul présentent ce que ressentent les noirs, ils les incitent également à penser autrement…….

À partir du début des années 1970, les références politiques sont affichées,

Apparaissent alors des formations comme les Last Poets, ou les Watts Prophets qui ne se destinent en aucune manière au divertissement. Leur but est de diffuser un discours politique, ce qui ne les empêche pas de remporter des succès commerciaux : le premier album des Last Poets s’est vendu à 300 000 exemplaires simplement par le bouche à oreille, atteignant ainsi la 40e place des charts américains. Leur poids dans le contexte politique n’est pas davantage à remettre en question, puisque le FBI place les Watts Prophets sur la Unamerican Activities Listpour 7 ans, restreignant ainsi leur sphère d’action, ceux-ci ne pouvant plus se produire en concert dans les universités.

La musique est désormais le médium privilégié de la communauté afro-américaine.

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Article tiré de https://journals.openedition.org/mots/9383

“La soul est avant tout la cuisine de l’âme,
une nourriture spirituelle (…).Une cuisine
dont les saveurs ont permis d’abolir
progressivement toutes les barrières
raciales pour les artistes noirs.”
Florent Mazzoleni, in “James Brown :
l’Amérique noire, la soul, le funk” (2005).

Tags : activismeblack peoplelecture culturenoirSociété
Carelle Laetitia

The author Carelle Laetitia

Diplômée de Droit Public International, Carelle Laetitia Goli est une jeune femme ivoirienne qui croit fortement en l’idéal d’un monde de justice et de libertés